
http://www.lestoilesroses.net/article-33537779.html
Cécile, TransMutation, Nice, Editions Bénévent, 2009, 253p.
Un témoignage brut de pomme… d'Adam ! C'est ce que nous offre Cécile Poivre dans le récit pétillant, épicé et sans travestissement de sa TransMutation.
Dans une langue émaillée de parler nissart (Mefi)! Il y a un glossaire à la fin pour les babatchous qui, malgré un contexte évident, inventeraient des cagades au lieu de se bouléguer un peu le teston !)
La secrétaire a écrit son histoire. Elle ne se prend pas pour une écrivaine : elle nous embarque simplement avec sa gouaille, ses phrases généreuses en adjectifs et son franc-parler qui peut, en un jeu de mots, camoufler un drame sous une formule où l'ironie masque la douleur.
Le pitchoun est efféminé et au collège puis au lycée, les regards des camarades se doublent de mots qui font plus mal que les coups de poing. Quand la violence devient physique, quand le viol n'est plus seulement verbal, la décision est prise : se travestir pour souffrir moins.
Et “la Cécile” tombe amoureuse : d'amants à la sincérité variable en proxénètes camouflés, c'est toujours par amour ou suite à un chagrin d'amour que les situations s'accélèrent.
La prostitution ? Comment vivre autrement quand aux besoins de subsistance s'ajoutent ceux de la toxicomanie ? Le tour d'horizon de sa clientèle est le reflet de la ville où elle travaille : petits puceaux, caïds, pères de familles mais aussi congressistes et vedettes de tel ou tel festival voisin : Il y a jazz à tous les étages à Juan les Pins quand on monte les marches à Cannes, pour aller froisser des toiles avec Cécile. L'orientation sexuelle de la clientèle fait rarement débat (à une exceprion près, lorsqu'elle est évoquée comme “tromperie sur la marchandise” sur une scène de crime) : pour ces messieurs, Cécile est, avant son opération, une fille avec un truc en plus… qui augmente son attrait. Et son coeur fait d'elle une confidente, avec ou sans jeux de gambettes.
La drogue, les voyages en Thaïlande ou à New York sont des escales aux circonstances forcément pas ordinaires… mais changer en 2 le 1 du numéro de Sécurité Sociale est une vraie aventure : pour valider cette multiplication par deux, il faut passer sur le billard du chirurgien (vaginoplastie) et sur le divan du psychiatre ! On a vu avec Axel Léotard (Mauvais genre) que la division dudit préfixe par deux était une opération encore plus délicate.
Par amour, encore et toujours, Cécile se range et, après avoir réglé sa dette envers l'Etat proxénète, devient secrétaire. C'est elle-même qui vous racontera la suite, avec cette faconde si naturelle, son énergie vitale incroyable face aux embûches, sa force de rebond après un échec qui n'est jamais décisif.
Ce livre est déjà un succès : une édition de qualité, une belle mise en pages et au bilan carbone très satisfaisant, Bénévent étant une maison d'édition à compte d'auteur niçoise !!!
Dans un contexte où la “transphobie” est au centre des prochaines marches des fiertés, au moment où d'importantes avancées juridiques sont enregistrées, TransMutation est le témoignage idéal pour se faire une idée du vécu de ces personnes en quête de genre qui ont, comme Cécile une vraie identité où la volonté et le courage sont des instruments mieux affutés que les scalpels.